Tolix fête en 2015 l’anniversaire de son emblématique chaise A
Elle a 80 ans et pas une ride. Longtemps populaire, car légère, robuste et empilable, elle est devenue une icône absolue, présente dans les collections du Vitra design Museum, du MoMA, et du Centre Georges Pompidou. Née à Autun en Saône et Loire, une commune bourguignonne aux portes du Morvan, elle y est toujours fabriquée. Elle, c‘est la chaise A de Tolix, fleuron du design industriel de l‘entre deux guerres, qui a conquis le monde entier, pas seulement les terrasses des cafés, mais dans les maisons de campagne, les lofts ou les appartements modernes.

Cette chaise en métal, éditée aujourd‘hui en 45 couleurs et 5 vernis différents, on la doit à Xavier Pauchard, pionnier de la galvanisation et industriel visionnaire. Ce fils et petit-fils de couvreur-zingueur né en 1880, va très tôt s‘intéresser au procédé chimique qui protège la tôle de la corrosion. C‘est un Français, Paul Jacques Malouin qui l‘a théorisée en 1742, mais à l‘orée du 20ème siècle, la galvanisation (de Galvani - un professeur de physiologie de Bologne - qui a lui aussi travaillé à cette invention à la fin du 18ème) est peu mise en pratique sauf aux Etats-Unis. Plongée dans un bain de zinc en fusion à 450° la tôle ne craint plus la rouille, elle est galvanisée. Xavier Pauchard qui connaît le zinc pour le travailler depuis son jeune âge, commande un ouvrage technique en anglais qu‘il fait traduire par sa fille. Après des semaines d‘essais sur un terrain abandonné, il réussit enfin en 1907 à galvaniser ses premières pièces.
Très vite, Xavier Pauchard crée une entreprise d‘articles ménagers en tôle galvanisée, puis une gamme de mobilier du même métal qui connaît un succès certain. Après la Première Guerre Mondiale, il voit plus grand et transforme son entreprise en SARL avec deux amis en 1925. Deux ans plus tard, il dépose la marque Tolix, pour abriter la production de meubles métalliques : chaises, fauteuils, tables, guéridons et tabourets. La demande est forte de la part des collectivités. Il faut fabriquer simple, beau et surtout en série. La chaise A naîtra de cette demande, sans dessin préalable, mais après plusieurs prototypes en atelier. Emboutie, pliée, puis soudée, c‘est vrai qu‘elle est simple avec son dossier cintré et sa fameuse palmette, ses drôles de pieds ronds devant, creux derrière, et légèrement évasés pour permettre à l‘ensemble d‘être facilement superposable. Elle n‘a pas encore de raidisseurs qui apparaîtront sur les pieds en 1938 et sur la palmette en 1960.
Xavier Pauchard réussit là où de nombreux créateurs du Bauhaus comme de l‘Union des Artistes Modernes échoueront : faire du mobilier à la fois esthétique et démocratique.

La chaise A est commercialisée en 1935. Pendant longtemps son usage sera collectif : elle sort par centaines d‘exemplaires des Établissements Pauchard pour équiper les villes d‘eau, les parcs, les terrasses, mais aussi les hôpitaux, les sanatoriums, les bureaux, car son matériau unique, la tôle galvanisée est anti-feu et hygiénique. Pour les mêmes raisons, dès 1935, elle embarque sur le Normandie, aux côtés du mobilier de Ruhlmann, des sièges de Jean Prouvé et de l‘argenterie de Christofle. Mais pas sur le même pont : plus proche du peuple, elle (ainsi que son petit frère le fauteuil C) est destinée aux matelots et aux pompiers du bord.
Après guerre, sous la houlette des fils de Xavier Pauchard mort en 1949, et notamment de Jean qui reprend l‘activité mobilier en 1954, elle connaît encore deux décennies de popularité notamment dans les cafés. En effet dans les années 50, les brasseurs de bière offraient les sièges à ceux qui signaient un accord d‘exclusivité. La chaise A profite de ce marketing à grande échelle jusqu‘à ce que le plastique remplace petit à petit le métal en extérieur.
Il faut attendre les années 80 pour qu‘elle commence à intéresser des amateurs éclairés de design authentique comme Jean Claude Maugirard ( Fenêtre sur Cour) ou Terence Conran. On va même recommencer à la fabriquer en tôle galvanisée, sa finition d‘origine, abandonnée depuis longtemps car trop lourde et plus coûteuse qu‘en tôle peinte. Présentée au salon Maison et Objet, elle entre à l‘intérieur de la maison : salon, cuisine, salle de bains et même dans la chambre. Dans les années 90, Habitat puis Conran la proposent dans leur catalogue. Parallèlement, découvrant le design industriel alors abordable, les chineurs se passionnent pour cette chaise, bien ancrée dans l‘inconscient collectif.
En 2004, l‘entreprise, en liquidation judiciaire est reprise par la directrice financière de Tolix, Chantal Andriot. À la tête de Tolix Steel Design, Chantal Andriot investit dans la rénovation de l‘outil de production qui n‘avait pratiquement pas bougé depuis Xavier Pauchard. En 2006, Tolix reçoit le label Entreprise du Patrimoine Vivant. Bien vivante, elle aussi, la chaise A nécessite toujours une centaine d‘opérations qui fait de chaque exemplaire un modèle unique.
© « Inoxydable TOLIX » - Brigitte Durieux - Éditions de La Martinière